le blogue de Béatrice Vaugrante

2015 : droits pour tous, tous pour les droits

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 30 décembre 2015

ensaf ottawaIl ne fallait pas manquer de souffle cette année. Nous avions préparé nos campagnes bien avant que l’envolée médiatique ne leur donne une ampleur non prévue : Raif Badawi, réfugiés, femmes autochtones. Entre autres.

Quelle année. Le cas de Raif Badawi nous a donnés de l’énergie pour amplifier la mobilisation à travers nos actions : vigiles hebdomadaires, visites à l’ambassade sous les boites de centaines de millers de pétitions, rencontres des élus canadiens et québecois, mission aux Etats-Unis auprès des membres du congrès et du département d’État, soutien de Bono et de U2, action constante dans les médias sociaux, et visites d’Ensaf son épouse aux quatre coins du monde pour recevoir le soutien de milliers de militants d’Amnistie. Beaucoup de fous rires avec Ensaf, la battante, et ses enfants, malgré le peu de nouvelles qui pourtant ne fera pas vaciller l’espoir. Grâce à ce cas, nous avons permis de mieux faire connaître le bilan dévastateur de l’Arabie saoudite en matière de droits et les relations ambigues des puissances occidentales avec ce pays. Il serait temps que le Canada signe le Traité sur le commerce des armes.

camp bekaa 6Grâce à vore soutien j’ai pu participé à une mission au Liban qui portait sur les réfugiés – bien avant que la crise annoncée sur ce thème ne prenne soudain de l’intérêt avec la photo du petit Alan Kurdi. Elle a été révélatrice encore du manque de volonté politique de la communauté internationale, et des conséquences terribles que cela fait subir quotidiennement aux familles de réfugiés. Le Liban a fait plus que sa part pour accueillir les réfugiés, mais il reste des enjeux non encore résolus à ce jour qui leur rendent la vie difficile comme s’ils avaient besoin encore d’obstacles, tel le renouvellement trop onéreux du permis de résidence. Les économies du début commencent à fondre sérieusement. Les pays riches ne font pas assez leur part pour porter secours avec dignité aux réfugiés, dont 50% sont des enfants. Et non, nous n’accueillons  pas la misère du monde : 86% des réfugiés dans le monde sont dans des pays en voie de développement. Le courage politique fait défaut et certains préfèrent rouler sur la vague dangereuse qui amalgame terroristes et réfugiés. Les réfugiés et migrants ne votent pas, pourquoi s’en soucier? ils vont raser les murs en silence, pour ceux qui survivent la traversée, en espérant trouver un futur pour leurs enfants, acceptant des conditions de vie et de travail bien en-dessous des normes et qui font pourtant marcher l’économie du pays d’accueil.  Et leurs enfants, plus tard, leur demanderont « pourquoi avez-vous accepté ces conditions? ». Un conseil de bienvenue aux migrants et réfugiés : défendez vos droits, pour vous, pour vos enfants.

vigile refugiesNous avons déployé beaucoup d’énergie pour faire parler des réfugiés et de l’urgent besoin de les accueillir : flash mob, veillées, pétitions, spectacle, livret contre les préjugés avec Garnotte. Vous avez été nombreux sur la Place-des-Arts à Montréal pour montrer votre solidarité lors de notre appel : merci.

Un grand honneur que d’être aux côtés de l’avocat d’Omar Khadr, Denis Edney, à la cour suprême du Canada qui lui a encore donné raison. Omar Khadr a été libéré et quel énorme soulagement ce fut. Tant d’années à demander justice pour des violations de droits criantes et par qui? le Canada! enfant-soldat condamné pour crimes de guerre, laissé 10 ans emprisonné et maltraité à Guantanamo. Dans quelle absurdité nous entraine cette lutte contre le terrorisme. Si nous sommes si tièdes sur nos principes de droits et libertés, pour quelle sécurité exactement nous luttons : une sécurité qui nous surveille, discrimine les minorités, restreint l’accès à la justice et à l’information, condamne la dissidence, arme les forces policières?

vivianeDepuis plus d’une décennie, je me tiens debout avec de nombreux militants aux côtés des femmes autochtones. Le dossier des violations de droits des peuples autochtones est, de par son ampleur et sa durée, le dossier le plus grave pour le Canada. Nous n’avons épargné aucune énergie pour mieux faire connaître l’ampleur de ce dossier : comités de l’ONU, vigiles, recherches et rapports, rencontres d’élus, pétitions. Enfin l’enquête publique a été annoncée. Enfin. Enfin le droit de parole aux familles, aux survivantes, aux communautés, aux organismes de femmes autochtones qui connaissent les enjeux, les causes profondes, les solutions. Elles ont maintes fois démontré le leadership nécessaire pour enfin mettre fin à cette crise honteuse. D’ailleurs urgemment, des décisions peuvent être prises pendant la mise en place de la Commission pour assurer une meilleure sécurité et un respect des droits économiques et sociaux des femmes autochtones.

Nous avons aussi agi pour la libération de prisonniers d’opinion, de personnes injustement accusées : je pense à Angel Colon, au Mexique ou Moses Akatugba au Nigéria, Mohamed Fahmy en Egypte,.. Et rappelez-vous la campagne pour que Shell répare ses dégâts au Nigéria. La population a obtenu justice. Nous sommes alertes sur les crises qui font tant de victimes : Burundi, République Centrafricaine, Irak, Syrie, Yémen, Soudan, Libye, Bahrain. Nos chercheurs sont sur le terrain et documentent, ce qui est la base de notre travail ensuite pour demander la fin de l’impunité et la justice.

2016, cela va faire 10 ans que je suis directrice générale. J’ai hâte d’un changement réel avec le nouveau gouvernement du Canada;  nos attentes sont exprimées dans notre Programme pour la défense des droits pour tous au Canada.

Ces dossiers ont un point en commun : notre attachement à défendre les droits pour tous, malgré les préjugés régnant envers les réfugiés, les autochtones, les défenseurs des droits, …

Nous entamons 2016 avec plus d’espoir, et avec vous, nous aurons encore des victoires, nous exigerons encore des engagements et des actions, nous resterons vigilants. Les droits de tous nous importent. Droits pour tous, tous pour les droits.

 

Merci de donner.

Réfugiés : il est temps que le reste de la planète se retrousse les manches

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 15 juin 2015

camp bekaa 6Nous arrivons au camp de Jarahieh  après plus d’une heure de route de Beyrouth, dans la vallée de la Bekaa. Beaucoup de champs dans cette vallée, connue pour la production de pommes de terre; j’y vois des travailleurs, il fait très chaud, des réfugiés syriens peut-être.

À l’arrivée, nous sommes accueillis par des enfants. Ce camp regorge d’enfants. À travers le monde, 50% des réfugiés ont moins de 18 ans. Nous marchons dans ce dédale de tentes et de baraquements. Beaucoup de travailleurs – hommes et femmes – sont à l’œuvre pour reconstruire des refuges dont une vingtaine a brûlé la semaine passée.

Nous discutons avec une femme qui s’occupe de la boulangerie. Elle raconte avec dignité et précision son parcours pour fuir le conflit, avec sa famille. Ils arrivent à peine à trouver de la nourriture ; pour la santé, il y a une petite clinique de base grâce à Syrian eyes, une petite organisation syrienne qui aide les réfugiés de ce camp. Les enfants semblent ici pouvoir aller à l’école. Mais le point sensible reste le renouvellement des permis de résidence. Les autorités libanaises – qu’il faut saluer pour avoir accueilli 1.2 million de réfugiés syriens – mettent cependant un certain nombre d’obstacles insurmontables au renouvellement des permis de résidence depuis janvier. Il est important d’avoir des papiers en règle, ils permettent l’accès à des services essentiels, de prouver la légalité de la présence, d’établir d’autres papiers liés à la naissance des enfants par exemple, de sortir du camp. Sans papiers officiels, vous devenez illégal. Vous vous terrez dans le camp, vous craignez de sortir.

Assis en cercle sur des briques dans une baraque en construction, nous écoutons les deux autres personnes, des hommes,  qui nous racontent leur histoire. L’un des hommes nous dit  » J’ai quitté la Syrie car ma mère, réfugiée au Liban, me l’a demandé ; elle ne voulait pas perdre un second fils ». Ils n’ont pas pu renouveler leur permis, et ils n’osent pas. L’armée arrête des personnes au statut illégal, les retient, parfois les bat. Ils ne veulent plus sortir, c’est la tension qui plane sur ce camp.

Nous montons sur le toit d’une maison délabrée, c’est un petit camp, près de 200 familles. Le Liban ne veut pas de camp officiel, craignant la permanence des camps comme ceux des réfugiés palestiniens. Il y a des centaines de camps tels que celui-là au Liban, avec les mêmes procédures qui pourtant s’appliquent différemment d’une place à l’autre, avec les mêmes difficultés. Les syriens sont débrouillards, trouvent des ressources pour s’en sortir, retroussent leurs manches pour se construire des refuges, payer le loyer pour le bout de terre loué, trouver de la nourriture, se soigner, trouver une école.

Il y a des milliers de camps comme celui-là dans le monde. 52 millions de personnes déplacées. 16 millions de réfugiés. Un million ayant désespérément besoin d’être réinstallés. Syrie, mais aussi Afrique subsaharienne, Asie du Sud-est. En Mer Méditerranée, 1900 morts rien qu’en 2015. Une crise mondiale qui demande une réponse mondiale, solidaire, organisée, responsable et suffisamment financée. Les 5 pays – dont le Liban – qui ont accueilli les 95% de réfugiés syriens sont à bout de ressources. Les autres pays doivent les aider : faire l’autruche, réduire les sauvetages,  intercepter les bateaux des trafiquants, refuser de faire des routes sécuritaires d’accès,  est loin de répondre à la crise. Europe, Canada, entre autres, c’est à vous, maintenant. Pour éviter des morts de plus. Pour protéger les vivants.

Élections de 2015 : emplois, sécurité …et droits humains

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 26 janvier 2015

parlementLes droits humains ont souvent été bafoués en 2014, tant au Canada qu’à l’étranger. À l’approche des élections fédérales en 2015, il est grand temps que les choses changent. Nous devons exiger que le gouvernement s’emploie énergiquement à prendre fait et cause dans la défense des droits humains au pays et au plan international.

L’année 2014 a été marquée par la crise syrienne, qui a forcé la moitié du pays à s’exiler et qui continue de faire des ravages, et par les tragédies qui sévissent depuis 2013 en République centrafricaine et au Soudan du Sud qui ne cessent de faire des victimes. Un assaut militaire israélien d’une rare violence sur Gaza a déclenché une escalade de violence dans cette région et le district sud d’Israël, sans compter les conflits inattendu qui ont eu des conséquences désastreuses en Ukraine et au nord de l’Irak sur les droits humains et en termes géopolitiques.

Chez nous, le cas de deux adolescentes Cries agressées dans la région de Winnipeg cette année ont remis à l’avant-plan les violences répétées dont sont victimes les femmes et les filles autochtones au pays. Tina Fontaine a été assassinée; Rinelle Harper a été sauvagement attaquée, mais a survécu. Ces deux cas illustrent bien que le mépris des droits des femmes autochtones est toujours total.

La situation concernant la protection des réfugiés ne fait que s’aggraver, et il a fallu que la Cour fédérale infirme des décisions concernant des compressions au programme de santé pour les réfugiés. Nous sommes préoccupés par l’incapacité du gouvernement à répondre adéquatement aux besoins de relocalisation des réfugiés syriens.

Il ne faut pas oublier que ce qui se passe à l’étranger a une incidence chez nous. Des sociétés minières canadiennes faiblement réglementées, qui exploitent aux quatre coins du monde, se retrouvent souvent mêlées à des cas de violations des droits humains. De plus en plus de Canadiens sont victimes d’arrestations illégales, de torture et de violations dans des prisons étrangères.

Ce qui se passe à l’intérieur de nos frontières sert d’exemple pour le monde entier. Faire des droits humains une priorité au Canada nous permet d’exiger le même engagement ailleurs. Y faillir porte atteinte à notre crédibilité.

Le Canada apporte une précieuse contribution et propose des solutions pour le respect des droits humains à l’échelle mondiale dans des dossiers tels que la santé maternelle et infantile, les mariages précoces, et les actes de violence sanctionnés dans des pays comme l’Iran, le Sri Lanka et la Syrie.

Malheureusement, aussi louables que soient ces actions, elles sont minées par des manquements inexcusables au sein de notre propre pays, notamment notre incapacité à reconnaître les droits des Autochtones. Notre attitude du deux poids deux mesures dans certains dossiers, particulièrement lorsqu’il s’agit de rappeler à l’ordre Israël pour ses graves inconduites, entache notre crédibilité. Notre refus de signer le protocole facultatif de la Convention contre la torture ou le Traité sur le commerce des armes a des conséquences sur notre plein engagement dans le système international de protection des droits humains.

Les droits humains font rarement partie des priorités lors de campagnes électorales. Ils sont toutefois au cœur de tous les thèmes qui domineront les prochaines élections. En effet, la croissance économique ne peut être viable sans une reconnaissance des droits territoriaux des peuples autochtones, une responsabilité sociale des entreprises, et une politique commerciale dans le respect des droits humains.

Les questions d’ordre public resteront en suspens si la complicité dans la torture n’est pas dénoncée, et si les États coupables ne sont pas poursuivis.

Trop de familles et de collectivités seront laissées à elles-mêmes à moins que l’on déclenche une enquête publique, qu’un plan d’action national soit mis sur pied pour contrer la violence faite aux femmes autochtones, et qu’on mette un terme aux inégalités aberrantes dans l’accès à l’eau potable, la santé, l’éducation et les logements sur les réserves des Premières Nations. Il faut que les tribunaux intègrent la pauvreté sous l’angle des droits humains.

Les réformes en matière de sécurité seront inutiles si le Canada n’impose pas aux organismes de sécurité nationale des normes en conformité avec les droits humains. Il faut abolir les réformes mesquines adoptées contre les réfugiés et soutenir les réfugiés syriens afin d’assurer que nos frontières ne deviennent pas des murs de sécurité honteux.

Le Canada soutient la politique étrangère sur la protection des femmes et des filles; cet appui est louable, mais il s’effrite parce que le Canada refuse de reconnaître implicitement les droits sexuels et reproductifs. Le Canada perd petit à petit son rôle de chef de file en ce qui a trait au droit des femmes à l’égalité. Il faut un débat des chefs lors de la prochaine élection qui portera sur des questions qui concernent les femmes et les filles canadiennes. Le dernier vrai débat sur le sujet remonte à 1984.

Le gouvernement canadien tient un double discours sur la liberté et la démocratie; on se permet de virulentes critiques à l’égard de certains États, alors que l’on ferme les yeux ailleurs. On est souvent témoin de cette contradiction lorsque des Canadiens sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux à l’étranger. S’attaquer à tort et à travers aux experts des Nations Unies en matière de droits humains n’arrange pas les choses, et les beaux discours sur la scène internationale perdent de leur éclat sous les mesures destinées à bâillonner les voix dissidentes au Canada.

Il faut non seulement que les droits humains soient une des priorités du gouvernement lors des prochaines élections, il faut qu’ils servent de base à tout le débat. Ne pas faire des droits humains une priorité équivaut à faire reculer les droits et la justice. Ils sont la pierre d’angle de changements significatifs, durables et de vaste portée, peu importe l’enjeu.

avec Alex Neve, Secrétaire général d’Amnistie internationale, Canada Anglophone.

Mesures d’ « austérité» du Québec : et l’impact sur les droits des personnes?

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 2 décembre 2014

manifestation à Montréal 29 nov 2014Nous sommes préoccupées par l’annonce de mesures présentées par le gouvernement québécois dans un contexte d’assainissement des finances publiques. Si ces mesures sont mises en œuvre, telles que par exemple la modulation de la contribution parentale pour les services de garde en fonction des revenus ou la compression dans l’aide sociale versée aux personnes âgées de 55 à 57 ans et aux couples ayant au moins un enfant à charge, elles auront un impact négatif sur l’accès aux droits humains, en particulier aux droits économiques et sociaux, pour les groupes les plus vulnérables de la société québécoise.

Le Québec est soumis aux obligations internationales contenues dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel le Canada a adhéré en 1976. Cet instrument consacre un certain nombre de droits fondamentaux qui concernent, par exemple, les revenus, la sécurité sociale, la vie familiale, les soins de santé ou encore l’éducation. En droit international, il est reconnu que « toute mesure délibérément régressive dans ce domaine doit impérativement être examinée avec le plus grand soin, et pleinement justifiée par référence à la totalité des droits [économiques, sociaux et culturels], et ce en faisant usage de toutes les ressources disponibles. » Aussi, pour justifier les mesures annoncées, le gouvernement du Québec devrait démontrer qu’il ne les a adoptées qu’après avoir soigneusement examiné toutes les options, évalué leurs conséquences et utilisé pleinement toutes les ressources à sa disposition. En effet, une régression d’un haut niveau de jouissance des droits, en tout ou partie, vers un niveau plus bas peut constituer une violation du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Nous n’avons pas vu cet examen.

Une mesure régressive est une mesure qui conduit, directement ou indirectement, à faire un pas en arrière vis-à-vis des droits reconnus dans le Pacte. Le gouvernement du Québec agit-il avec prudence et au terme d’un processus délibératif lorsqu’il prend ces mesures ?

À l’image des mesures d’ « austérité » qui ont été prises ces dernières années en Europe, nous rappelons que des restrictions aux services disponibles n’enfreignent pas automatiquement le droit international. Cependant les effets cumulatifs de restrictions introduites en tant que mesures d’ « austérité », et des procédures utilisées pour les mettre en place, peuvent constituer une violation des droits économiques, sociaux et culturels.

Les personnes qui subissent le plus durement les conséquences de mesures telles que celles annoncées sont celles qui sont déjà parmi les plus fragiles, soit les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les personnes les plus pauvres, ajoutant à nos craintes une potentielle discrimination envers des groupes vulnérables. Les effets de ces mesures doivent donc être corrigés en regard des obligations du Québec.

Il est hautement souhaitable que le gouvernement du Québec fasse une évaluation des mesures annoncées en regard des droits humains et mette en place un mécanisme de contrôle permettant que ces mesures soient conformes aux obligations internationales, incluant le principe de non discrimination. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a fait une recommandation similaire en regard du respect de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, que nous saluons. Les droits humains sont universels, une régression de ces droits au Québec a non seulement des effets sur les personnes ici, mais aussi ailleurs où d’autres pays bien moins regardants sur les droits humains peuvent y voir un message de nivellement vers le bas.

Béatrice Vaugrante, Directrice générale

Julia Grignon, Professeure en droit international des droits humains, Université Laval ; membre du Conseil d’administration

Amnistie internationale Canada francophone

Violence envers les femmes autochtones : le gouvernement complice?

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 31 mars 2014

6 decembre pour agir avec les femmes autochtonesCe commentaire nous l’avons lu à la suite d’un article portant sur le rapport de la commission parlementaire spéciale concernant les disparations et assassinats de femmes autochtones au Canada qui réfutait le besoin d’une enquête publique.

Comment ne pas y penser lorsque l’on constate l’indifférence quant au sort de ces femmes qui disparaissent. Comment ne pas y penser devant la négation persistante de la réalité et des enjeux touchant ces femmes.

L’Association des femmes autochtones du Canada a colligé près de 600 femmes autochtones assassinées ou disparues. Amnistie internationale a publié des rapports sur cette question et a interpelé ce comité parlementaire ainsi que différents organes et experts de l’ONU. Certains ont plusieurs fois d’ailleurs demandé au Canada d’agir. Demandes sans réponse ou alors pire insulte : pas besoin de plan d’action, pas besoin d’en savoir plus.

Nous avons tenté de creuser les racines de cette plaie sociétale qui ravage la dignité de femmes triplement discriminées : femmes, autochtones et pauvres. Plusieurs cercles de violence ont une incidence sur leurs vies: celui de leur communauté, structurellement déstabilisée par les pensionnats, la colonisation et les politiques discriminatoires, le chômage et le manque criant de ressources proches et de supports adéquats. Comment dénoncer la violence si vous savez que vos enfants vont vous être retirés faute d’alternatives adéquates.

Le cercle de la violence du monde urbain, environnement choisi par bon nombre de femmes pour s’en sortir ou fuir, risque de les plonger dans l’itinérance, la précarité et surtout l’indifférence. Trouver un logement et un travail lorsque l’on est femme, pauvre, et autochtone relève du miracle. Et puis, quid du sort d’une femme autochtone sur le point de passer de victime à criminelle parce qu’elle se tourne vers des milieux interlopes. Il suffit de constater l’explosion de l’incarcération des femmes autochtones, surreprésentées en prison ainsi que des temps de réponse pour lancer une enquête visant la disparition d’une femme. La police dispose rarement des protocoles spécifiques aux dossiers de disparitions autochtones. De plus les préjugés portés à l’égard de la femme autochtone sont si profondément ancrés dans la société.

Le dernier cercle, celui de la violence de la pauvreté, est celui demandant le plus de volonté politique et de collaboration entre fédéral, provincial et organisations autochtones (incluant les groupes de femmes). Les comparaisons de revenu et de niveau d’éducation entre les femmes autochtones et non autochtones sont affligeantes.

Est-il encore besoin de démontrer l’incontournable nécessité de collaborer avec les communautés, organisations et femmes autochtones sur les politiques qui les touchent et sur l’exploitation des ressources de leurs territoires. Il devient fondamental de pallier au manque de moyens, au non respect de leur propre autonomie, de la peur de la police, de la justice, de services sociaux non adaptés à leurs besoins.

Certes une commission d’enquête nationale serait utile, soutenue par une analyse de genre poussée car enquêter sur la violence n’est pas sans conséquences sur les victimes. Cette enquête doit se faire par respect pour ces femmes disparues et leurs familles mais surtout pour agir, de concert avec les communautés affectées en se basant sur les connaissances intimes qu’elles ont de ce ravage et pour enfin mettre en place des solutions coordonnées et efficaces.

Il existe déjà des rapports et des paroles, suffisamment pour ouvrir les yeux et agir. Nous souhaiterions que cette violence – l’indifférence du gouvernement canadien à l’égard de ces femmes – soit autant médiatisée qu’une vitrine brisée par des casseurs lors d’une manifestation. Nous souhaiterions que cette violence – celle que nos sœurs subissent – soit l’objet d’autant de craintes, que lorsqu’une femme non autochtone disparait. Et soit l’objet d’autant de réprobation et d’horreur et de recherche de justice lorsqu’une femme non autochtone est assassinée.

Cette complicité du gouvernement doit cesser. Nous réitérons la nécessité d’une enquête publique pour surtout démarrer urgemment un plan d’action.

écrit avec Karine Gentelet, présidente d’Amnistie internationale Canada francophone

Canada : l’heure est venue de réhabiliter les droits humains

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 16 janvier 2014

examenPeriodiqueCanadaLettre ouverte parue dans le Devoir du 3 janvier 2014.

Alex Neve est le secrétaire général de la section anglophone d’Amnistie internationale Canada et Béatrice Vaugrante, la directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.

Dans la foulée des manifestations d’émotions qui ont déferlé sur la planète à la suite du décès de Nelson Mandela surgit cette triste question : pourquoi le Canada n’a-t-il pas joué un rôle prépondérant dans l’hommage rendu à cet éminent défenseur des droits humains?

Les gens se souviennent de la ferme position antiapartheid qu’avaient adoptée les leaders canadiens, depuis l’époque de John Diefenbaker. Ils se sont vantés d’avoir accordé à Mandela la citoyenneté canadienne honoraire. Ils ont demandé pourquoi Brian Mulroney, qui s’est opposé à Margaret Thatcher et Ronald Reagan, n’était pas parmi les nombreux leaders mondiaux invités à présenter une allocution en mémoire de Nelson Mandela.

Il existe plusieurs réponses à cette question, dont l’une est assurément le fait que le Canada n’est plus perçu comme le leader déterminé des droits humains qu’il a été au cours des 25 dernières années. En fait, sur le plan de la défense des droits humains en Afrique, le Canada est devenu pratiquement absent.

Depuis plusieurs années, Amnistie internationale, d’autres organisations, d’anciens diplomates et politiciens ainsi que des Canadiens inquiets montrent du doigt cette détérioration de la réputation de leader des droits humains du Canada. Le fait d’être tenu à l’écart de la cérémonie commémorative de Mandela ou de voir la candidature du Canada à un siège du Conseil de sécurité des Nations Unies refusée en 2010 nous oblige à faire front.

Les lacunes du Canada au chapitre des droits humains se multiplient, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale.

L’année qui se termine offrait au Canada une formidable occasion de renverser la vapeur, alors que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies procédait à l’examen périodique universel du Canada. Tous les pays du monde font l’objet d’un tel examen tous les quatre ans.

Cependant, le Canada est ressorti de cet examen plus arrogant qu’exemplaire et plus provocateur que déterminé. En fait, il a rejeté deux recommandations qui ralliaient le soutien de bon nombre de ses alliés les plus proches. Le Canada a refusé de se doter d’un plan d’action national pour contrer le niveau de violence révoltant qui a cours dans la vie des femmes autochtones partout au pays.

Le Canada a aussi refusé les invitations à signer un traité portant sur la prévention de la torture dans le cadre des visites dans les prisons, compromettant ainsi notre capacité à insister auprès d’autres pays où la torture est monnaie courante pour qu’ils prennent cette mesure essentielle.

Concrètement, en cette fin d’année, nos préoccupations nationales liées aux droits humains se sont aggravées sur plusieurs fronts.

Aucun engagement n’a encore été pris quant au respect du droit des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé relativement aux projets de ressources naturelles qui ont des répercussions sur leurs droits, leurs terres et leurs territoires.

Le refus du gouvernement fédéral de financer des soins de santé égaux pour tous les réfugiés a été réprouvé par les gouvernements provinciaux, dont plusieurs paieront la facture, mais transmettront la note à Ottawa.

Ottawa refuse de créer un cadre de droits humains efficace à l’intention des sociétés minières canadiennes œuvrant à l’étranger et n’a fait aucun effort pour intégrer des obligations relatives aux droits humains dans sa politique commerciale.

Le gouvernement fait preuve d’incohérence quand il s’agit de prendre la défense de Canadiens emprisonnés illégalement ou risquant la torture en terre étrangère, suscitant des préoccupations liées à la discrimination.

Le refus du gouvernement fédéral de diriger l’élaboration de stratégies nationales relatives à la pauvreté, à la sécurité alimentaire et à l’itinérance dépasse l’entendement.

De plus, une inquiétude sans précédent surgit du fait que la liberté d’expression est de plus en plus compromise. Les arrestations de masse survenues durant le Sommet du G20 à Toronto et les manifestations étudiantes au Québec n’ont toujours pas fait l’objet d’enquêtes appropriées.

Dans tout le pays, des militants, des fonctionnaires, des universitaires et des scientifiques perdent leur financement, sont réduits au silence ou sont dénigrés sur la place publique s’ils osent critiquer le gouvernement.

La modification fondamentale du statut du Canada en matière de droits humains sur la scène mondiale au cours des dernières années est ahurissante. Autrefois chef de file, le Canada est désormais trop souvent perçu comme un retardataire.

Après avoir été un leader mondial de la campagne en faveur du traité sur les mines terrestres il y a tout juste 15 ans, le Canada est demeuré invisible au moment de l’adoption marquante, cette année, d’un nouveau traité qui intègre au commerce mondial des armes des règles visant la protection des droits humains. Le Canada ne figure pas parmi les 115 pays qui ont fait un premier pas en signant ce traité.

Le refus du Canada de favoriser les engagements pris à l’échelle internationale relativement aux droits sexuels et reproductifs des femmes éclabousse notre bilan jadis exemplaire de défenseur de l’égalité des femmes.

Tandis que le sort des réfugiés syriens devient de plus en plus ignominieux, le Canada a consenti à accueillir le nombre dérisoire de 200 Syriens sous parrainage gouvernemental. Une trahison après des dizaines d’années de générosité envers les réfugiés.

Les incohérences réduisent à néant une grande part de la diplomatie canadienne relative aux droits humains. Le Canada a adopté de solides positions opportunes à l’égard de pays tels le Sri Lanka et l’Iran, mais du fait de son refus d’admettre quelque critique que ce soit à propos du bilan d’Israël en matière de droits humains, beaucoup de pays estiment que le Canada recherche la polarisation au lieu de s’appuyer sur des principes. Notre quasi-disparition de l’Afrique, notre omission de faire pression sur la Colombie et nos positions ambigües à propos de certains pays du « printemps arabe », tel Bahreïn, ne contribuent en rien à nous attirer plus de respect à l’échelle internationale.

Vers la fin de l’année, le gouvernement a fièrement annoncé son nouveau Plan d’action sur les marchés mondiaux, selon lequel la diplomatie économique dominera désormais la politique étrangère canadienne. C’est son rôle entre autres de promouvoir le commerce, mais il est déplorable d’avoir négligé de concevoir en parallèle un plan d’action international relatif aux droits humains. Ce document s’avère en fait nécessaire.

Dans le domaine des droits humains, le Canada fait de plus en plus fausse route et s’illustre de moins en moins, tant à l’échelle nationale, qu’aux Nations Unies et à Johannesburg. L’heure est venue, en 2014, de réhabiliter les droits humains.

Syrie : agir bien avant

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 27 septembre 2013

À la veille d’un vote du Conseil de sécurité de l’ONU sur une nouvelle résolution relative à la Syrie, il est nécessaire de rappeler que « depuis longtemps » la communauté internationale aurait pu prendre des mesures face aux crimes de droit international commis en Syrie.

Il est clair que l’utilisation d’armes chimiques est un crime de guerre. Tout comme l’est le ciblage délibéré des civils avec des armes de tout genre.

La protection des civils est une priorité et il faut rappeler à tous les acteurs de respecter le droit international humanitaire, comme s’abstenir de prendre pour cible des civils ou de recourir à des attaques aveugles ou disproportionnées,

D’autres mesures d’intervention sont quant à elles grandement nécessaires et auraient pu ou pourraient épargner des civils et les soulager.

À court terme, il est urgent de fournir bien plus d’efforts pour soutenir les 2 millions de réfugiés. Aider les pays limitrophes qui reçoivent ce flot constant et grossissant de personnes, dont la moitié sont des enfants : logement, eau et hygiène, nourriture, protection des femmes et des filles, éducation. Les pays les plus riches devraient aussi accueillir les réfugies les plus fragiles. Le camp de Zaatri est maintenant le second camp le plus grand du monde, avec 130 000 personnes. L’ONU estime à 3 Milliards l’aide nécessaire pour protéger ces personnes. Seulement 40% du budget est disponible.  Il faut protéger les 4,5 millions de déplacés internes qui sont aussi dans une situation humanitaire catastrophique et permettre aux organisations et agences humanitaires d’avoir accès au pays.

Mais quand je dis « depuis longtemps » je pense à des sanctions ciblées (gel des avoirs, embargo sur les armes), la saisine de la cour pénale internationale, le déploiement d’observateurs internationaux (laisser la commission internationale indépendante d’enquête sur la Syrie de l’ONU faire son travail), pourraient contribuer à mettre en place des conditions favorables au déroulement de possibles négociations. Faire appel à la compétence universelle des États en matière de justice est aussi une avenue, puisqu’il s’agit de crimes contre l’humanité et autres crimes de droit international.

Et quand je dis « depuis longtemps », je pense à Maher Arar, et tous les autres Canadiens et autres personnes dans le monde, envoyés en Syrie pour se faire torturer, car oui, la torture se sous-traitait en Syrie. Certains membres de la communauté internationale s’accommodaient des méthodes de Bachar ElAssad…

Il est temps maintenant d’agir en mettant en priorité, non pas les doubles standards ou la récupération instrumentée d’un discours sur les droits humains, mais la protection des civils, surtout cette génération d’enfants marquée à vie et leur prouver que nous protégerons leurs droits et pas d’autres intérêts.

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Mariages de filles : 142 millions d’histoires pour rien?

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 12 septembre 2013

expositionstephaniesinclairLes photos se succèdent : une adolescente enceinte de 9 mois et elle travaille aux champs ; une autre, 14 ans et déjà 2 enfants ; celle-ci retirée de l’école, car mariée mais elle aurait voulu être enseignante; celle-là, atteinte du VIH ou survivante d’une fistule, et abandonnée, …

 

© Stephanie Sinclair/VII/tooyoungtowed.org

En déambulant à travers les magnifiques et terribles photos de Stéphanie Sinclair sur les mariages de filles, exposées à la salle du Gesu, à Montréal, je me demande comment qualifier le progrès des civilisations humaines, qui permet encore une exploitation à une si large échelle de la moitié du genre humain par l’autre, uniquement basée sur le sexe.

Chaque visage est une histoire, avec fin prématurée. Une vie sans choix, puisque sans droits. Si rien n’est fait, ce sont 142 millions d’histoires pour rien pour les 10 prochaines années. Comme si le genre humain pouvait s’en passer.

Les panneaux sont assez explicites : pauvreté, patriarcat, sexe facile et souvent violent, tabous, ignorance et isolement, pratiques communautaires ancrées sur la soumission de la fille, de la femme à venir.

Notre campagne Mon corps, mes droits est destinée à la plus grosse cohorte de jeunes que la Terre ait jamais connue. Comment les atteindre, les éduquer, leur apprendre leurs droits, et avec eux les choix possibles pour leur vie. Sous le jargon des droits sexuels et reproductifs, vient en fait pour ces millions de filles tout un monde de possibilités : si elles avaient accès à de l’information sur le planning, les relations sexuelles, la grossesse et l’accouchement, les maladies, si elles avaient accès à des moyens de contraception, si elles pouvaient choisir leur partenaire, si elles veulent des enfants, et combien et quand, si elles avaient accès des soins de santé sécuritaires,… Comme pour tous les autres droits, jouir de ses droits, c’est pouvoir choisir son futur. Commençons donc par les rendre au moins maitresses de leurs corps et les laisser s’exprimer.

Il n’y aura pas de résultats à court terme, changer prendra beaucoup de temps. Déjà dans le cadre de la campagne pour défendre la santé maternelle, j’avais animé au Burkina Faso des ateliers de formation sur les droits sexuels et reproductifs. J’ai connu les salles remplies de femmes avec quelques hommes qui seuls prennent la parole. Mais j’ai aussi connu des petites organisations de femmes qui mènent la bataille. Convaincre les chefs reste incontournable.  Mais semer des graines de liberté et de lutte dans les têtes des femmes reste le plus efficace moyen.

La grande conférence de l’ONU sur la population et développement de 2014 devra entériner la protection et la réelle accessibilité des droits sexuels et reproductifs des femmes. Le Canada devra tenir cette position.

Il n’y a pas de possibilités de progrès des civilisations tant que nous n’aurons pas fait cesser cette infamante exploitation d’un genre sur l’autre.

Coutumes, droits, femmes : cherchez l’intrus.

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 14 mars 2013

AI caravan on Maternal Mortality in Burkina FasoLes défis qu’il reste à surmonter en matière d’élimination et de prévention des violences à l’égard des femmes et des filles sont encore énormes. Alors que ce problème universel cause des millions de victimes chaque année, y compris dans les pays les plus développés et parmi toutes les couches sociales, on pourrait au moins s’attendre à sa condamnation officielle, claire et unanime de la part des États. A plus forte raison, à l’occasion de la session annuelle de la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme, un rassemblement international d’une ampleur inédite, on imagine légitimement l’univocité et la cohésion des efforts, ainsi que la contribution positive des pays inscrits à cette session.

Pourtant, le Vatican, l’Iran et la Russie, entre autres États, s’efforceraient de diminuer la portée d’un passage du communiqué final que l’ONU espère faire adopter. Cette partie énonce que la religion, les coutumes ou les traditions ne sauraient servir de prétexte à un gouvernement pour échapper à son obligation de lutter contre les violences à l’égard des femmes. Ces mêmes participants refuseraient également que les relations sexuelles qu’un homme impose à son épouse soient considérées comme un viol.

En plein lancement de sa campagne « J’aime mon corps. J’aime mes droits » sur le respect des droits sexuels et reproductifs, Amnistie internationale Canada francophone redit d’autant plus clairement sa condamnation sans réserve des violences perpétrées contre les femmes et les filles. Il est de la responsabilité des États et des leaders mondiaux, entre autres acteurs, de prendre les mesures concrètes et nécessaires pour mettre un terme aux atteintes aux droits sexuels et reproductifs des femmes partout dans le monde. La discrimination et les violences dont elles sont victimes, à tous les niveaux de la société et dans toutes les régions du monde, constituent une négation manifeste de leurs droits fondamentaux. Le mariage d’enfants – chaque année, dix millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans – viole entre autres leur droit de disposer de leur corps et de décider librement de leur avenir.

En 2014, les pays membres des Nations unies réviseront le Programme d’action du Caire, adopté en 1994, lors de la Conférence internationale sur la population et le développement. Ce plan d’action consacrait de façon inédite les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles comme droits inaliénables. De quoi parle-t-on? Les femmes ont le droit de:

  • prendre des décisions concernant leur santé, leur corps, leur vie sexuelle,
  • demander et recevoir des informations sur les services de santé, y compris sur la planification familiale,
  • décider si elles veulent des enfants, quand et avec qui
  • choisir si elles veulent se marier, quand et avec qui,
  • accéder à une planification familiale, une contraception, des services de santé maternelle et d’avortement sûrs et légaux
  • vivre à l’abri du viol et de toute autre forme de violence

Malheureusement, l’égalité des genres et les droits sexuels et reproductifs des femmes sont menacés par certains gouvernements conservateurs et quelques organisations et groupes confessionnels, visiblement résolus à freiner les efforts pour que la lutte contre les violences faites aux femmes se traduise sur le terrain par la mise en place de mesures concrètes.

En février 2008, Nojoud Mohammed Ali Nasser, une jeune yéménite, a été mariée par son père à un homme de 20 ans son aîné. Elle a confié avoir été battue et abusée sexuellement par son mari. Sa famille a refusé de l’aider.

« Il me faisait de mauvaises choses, je n’avais aucune idée de ce qu’est un mariage. Je courrais d’une pièce à l’autre pour m’échapper mais à la fin il m’attrapait et me frappait et il continuait de faire ce qu’il voulait. Je pleurais beaucoup mais personne ne m’écoutais, un jour je me suis enfuie jusqu’au tribunal où j’ai raconté mon histoire ».

Elle a finalement obtenu son divorce. Elle était âgée de 9 ans.

 

Omar Khadr : une étape de franchie, une quête de justice à finir.

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 4 octobre 2012

À peine les medias rapportaient-ils la nouvelle du retour d’Omar Khadr au Canada que certains commentaires allaient déjà dans le sens d’une histoire du passé dont il fallait tirer des leçons. Son rapatriement était grandement attendu, depuis bien trop longtemps, mais cela ne reste néanmoins qu’une étape vers de nouveaux chapitres, dans cette saga qui couvre maintenant une décennie. Car le gouvernement doit à Omar Khadr des comptes – il en doit aussi à tous les Canadiens – sur les raisons d’un tel délai.

 

Ce cas est depuis le début celui d’une injustice fondamentale liée à Guantanamo. Personne n’aurait du être transféré dans un centre de détention opérant hors du cadre de la loi, et surtout pas les douzaines de mineurs âgés entre 11 et 17 ans qui ont fini par y passer, incluant bien entendu Omar Khadr, le seul à y être condamné par une commission militaire loin de respecter les standards internationaux de justice.

Tout cela est arrivé en 2002, au moment même où la communauté internationale entérinait une entente historique sur les enfants soldats – initiative menée par le Canada. Au lieu de se faire offrir «démobilisation, réhabilitation, et réintégration», ces mineurs ont fait face à de la torture et des mauvais traitements, des détentions illégales et un vide juridique indéfini et sans espoir.

L’entente de culpabilité de 2010 a permis une ouverture pour qu’Omar Khadr sorte enfin de Guantanamo et soit accueilli dans le système de justice canadien. Avec l’espoir qu’une certaine dose d’équité allait enfin porter son dossier. Même le ministre Vic Toews concède que les prochaines étapes appartiennent à la Commission des libérations conditionnelles, et non plus aux aléas de la politique.

Les cours de justice, jusqu’à la Cour Suprême du Canada, les organes de l’ONU, de nombreuses organisations dont Amnistie internationale, ont maintes fois documenté les violations de droits humains subies par Omar Khadr, et elles restent à réparer. Les allégations de torture et de mauvais traitements sont crédibles et troublantes, et doivent faire l’objet d’une enquête. Des officiels canadiens ont également violé les droits d’Omar Khadr selon la Charte canadienne quand ils ont continué de l’interroger à Guantanamo, malgré le fait que sa détention et ses conditions de détention violaient les normes internationales. Son statut d’enfant combattant continue encore d’être ignoré.

Une part importante du processus de réparation sera de s’assurer que cela ne se reproduise jamais. Depuis trop longtemps le Canada a été inconsistant dans son approche envers les Canadiens détenus à l’étranger faisant face à de sérieuses violations de leurs droits humains. Le dossier d’Omar Khadr se distingue comme étant l’un des plus grands échecs de protection d’un citoyen. Nous devons pouvoir compter sur un système où tous les citoyens reçoivent une protection égale et le gouvernement doit saisir toutes les occasions pour s’y engager de manière efficace et rapide.

Amnistie continuera de suivre le dossier de près. Non seulement il est possible d’assurer la sécurité de tous sans piler sur nos engagements de respect des droits, mais c’est le seul moyen en fait. Il ne faut plus tolérer ces pratiques de droits humains à la carte. Aux termes du droit international, ni le droit national ni la politique ni le contexte ne peuvent être invoqués pour justifier le fait de ne pas honorer les obligations inscrites dans les traités. Ceux-ci sont mis en place justement pour faire face aux situations difficiles, et c’est dans ces situations que nous pouvons mesurer la valeur des engagements de nos dirigeants, et la nôtre.

– Avec la participation d’Hillary Homes, responsable des questions sécurité, Amnistie internationale Canada anglophone.