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Violence envers les femmes autochtones : le gouvernement complice?

Posted in Uncategorized by béatrice vaugrante on 31 mars 2014

6 decembre pour agir avec les femmes autochtonesCe commentaire nous l’avons lu à la suite d’un article portant sur le rapport de la commission parlementaire spéciale concernant les disparations et assassinats de femmes autochtones au Canada qui réfutait le besoin d’une enquête publique.

Comment ne pas y penser lorsque l’on constate l’indifférence quant au sort de ces femmes qui disparaissent. Comment ne pas y penser devant la négation persistante de la réalité et des enjeux touchant ces femmes.

L’Association des femmes autochtones du Canada a colligé près de 600 femmes autochtones assassinées ou disparues. Amnistie internationale a publié des rapports sur cette question et a interpelé ce comité parlementaire ainsi que différents organes et experts de l’ONU. Certains ont plusieurs fois d’ailleurs demandé au Canada d’agir. Demandes sans réponse ou alors pire insulte : pas besoin de plan d’action, pas besoin d’en savoir plus.

Nous avons tenté de creuser les racines de cette plaie sociétale qui ravage la dignité de femmes triplement discriminées : femmes, autochtones et pauvres. Plusieurs cercles de violence ont une incidence sur leurs vies: celui de leur communauté, structurellement déstabilisée par les pensionnats, la colonisation et les politiques discriminatoires, le chômage et le manque criant de ressources proches et de supports adéquats. Comment dénoncer la violence si vous savez que vos enfants vont vous être retirés faute d’alternatives adéquates.

Le cercle de la violence du monde urbain, environnement choisi par bon nombre de femmes pour s’en sortir ou fuir, risque de les plonger dans l’itinérance, la précarité et surtout l’indifférence. Trouver un logement et un travail lorsque l’on est femme, pauvre, et autochtone relève du miracle. Et puis, quid du sort d’une femme autochtone sur le point de passer de victime à criminelle parce qu’elle se tourne vers des milieux interlopes. Il suffit de constater l’explosion de l’incarcération des femmes autochtones, surreprésentées en prison ainsi que des temps de réponse pour lancer une enquête visant la disparition d’une femme. La police dispose rarement des protocoles spécifiques aux dossiers de disparitions autochtones. De plus les préjugés portés à l’égard de la femme autochtone sont si profondément ancrés dans la société.

Le dernier cercle, celui de la violence de la pauvreté, est celui demandant le plus de volonté politique et de collaboration entre fédéral, provincial et organisations autochtones (incluant les groupes de femmes). Les comparaisons de revenu et de niveau d’éducation entre les femmes autochtones et non autochtones sont affligeantes.

Est-il encore besoin de démontrer l’incontournable nécessité de collaborer avec les communautés, organisations et femmes autochtones sur les politiques qui les touchent et sur l’exploitation des ressources de leurs territoires. Il devient fondamental de pallier au manque de moyens, au non respect de leur propre autonomie, de la peur de la police, de la justice, de services sociaux non adaptés à leurs besoins.

Certes une commission d’enquête nationale serait utile, soutenue par une analyse de genre poussée car enquêter sur la violence n’est pas sans conséquences sur les victimes. Cette enquête doit se faire par respect pour ces femmes disparues et leurs familles mais surtout pour agir, de concert avec les communautés affectées en se basant sur les connaissances intimes qu’elles ont de ce ravage et pour enfin mettre en place des solutions coordonnées et efficaces.

Il existe déjà des rapports et des paroles, suffisamment pour ouvrir les yeux et agir. Nous souhaiterions que cette violence – l’indifférence du gouvernement canadien à l’égard de ces femmes – soit autant médiatisée qu’une vitrine brisée par des casseurs lors d’une manifestation. Nous souhaiterions que cette violence – celle que nos sœurs subissent – soit l’objet d’autant de craintes, que lorsqu’une femme non autochtone disparait. Et soit l’objet d’autant de réprobation et d’horreur et de recherche de justice lorsqu’une femme non autochtone est assassinée.

Cette complicité du gouvernement doit cesser. Nous réitérons la nécessité d’une enquête publique pour surtout démarrer urgemment un plan d’action.

écrit avec Karine Gentelet, présidente d’Amnistie internationale Canada francophone